Rencontre avec Stephane huchard

Stéphane Huchard, est sans aucun doute l’un des batteurs incontournable de la
scène jazz Française.

Autant leader dans différentes formations qu’il a créée, que batteur pour différents
artistes comme, Maurane, Louis Winsberg, Sylvain Beuf, André Manoukian,
Paris Jazz Big Band, Touré-Touré, Michel Jonasz, Andy Emler, et bien d’autres encore........

En 1999, il sort son premier album «Tribal traquenard »

En février 2002, le deuxième vois le jour sous le nom de « Toutakoosticks »

En 2005, il récidive avec le troisième album« Bouchabouches »

En février 2008, le quatrième album arrive dans nos platines
«African tribute to Art Blakey»

En avril de cette année un nouvelle album est prévue dans les bacs.
Prochainement à l’écoute ici même.
«Panamerican»

Bonne lecture :-)



Stéphane, merci pour ta disponibilité, le temps de l'interview fût tout aussi agréable que de t’écouter jouer :-)

1) Quand est-ce que tout a commencé pour toi, et pourquoi la batterie ?

Tout a commencé à l'âge de 6 ans, je n'ai pas vraiment choisi la batterie, c'est elle qui m'a choisi, elle m'est tombée dessus, (et ça m’a fait mal…..rires partagés…)

Plus sérieusement j'ai toujours eu envie de jouer cet instrument.

Je me souviens….. j’alignais les casseroles pour taper dessus dès que j'entendais de la musique, après quoi, mes parents ont très vite compris le message, et m'ont acheté ma première batterie d'étude.

Mon père jouait de l'accordéon, mon frère du piano, nous avons très vite joué ensemble.
Une musique populaire, très éclectique et parfois ringarde.

Malgré tout il arrivait que mon père rentre à la maison avec quelques vinyles sous le bras, et dans le lot il pouvait y avoir une merveille.

Je me souviens notamment  d’une compile de musique Brésilienne avec  Elis Régina, joao Gilberto, Gal costa… Une véritable révélation !

Nous avions un petit orchestre très familial et faisions des bals, souvent des mariages.
J’avais huit ou neuf ans et j’adorais ça.
Je voyais des gens heureux, rire et danser et mon père qui tirait sur le soufflet comme un forcené.
Il régnait à ce moment une sorte d’urgence du bonheur absolu et c’était déjà pour moi un très bon exercice.

Plus tard, il y a eu la musique avec les copains et toujours mon frangin.
Les groupes de rock, où nous faisions des reprises des Rolling Stones, David Bowie, Lou Reed…

Les concerts de fin d’année au lycée où le réfectoire bourré à craqué me semblait immense.

Là encore, la scène m’apportait beaucoup, comme une espèce de carburant qui me donnait envie d’aller toujours plus loin.

Je me suis par la suite intéressé à la progressive rock.
J'écoutais beaucoup de groupes comme Génésis, Yes, King Crimson…

Cette musique me touchait beaucoup car j’entendais des harmonies et des rythmes plus sophistiqués.

Les morceaux étaient parfois de véritables péplums complexes et j’adorais jouer sur les albums.
J’essayais de  mémoriser les structures et c’était un très bon exercice de mémoire.

Des albums comme « Selling england by the pound » de Génésis ou « Close to the edge » de Yes furent des chocs émotionnels importants.

Ce parcours m’a en suite donnée envie de m’intéresser au jazz.

Alors là, ça à été le « big bang ». D’abord le jazz rock et puis des choses plus classique en suite.
Une sorte de parcours inversé.
Il y a eu Weather report, Miles Davis, Keith Jarrett pour n’en citer que quelques un.


C'est à l'âge de 15 ans, que j'ai vraiment eu envie de travailler l'instrument, j'ai eu une sorte de déclic.
C'est là que j'ai pris conscience, que je voulais faire de la musique mon métier.

Je me sentais bloqué techniquement, alors j'ai pris la décision d'arrêter tous les groupes avec lesquels je jouais, ce qui m'a permis de m'inscrire à l'école Agostini à Paris.

A partir de là, j'ai fait tout le cursus, sur cinq ans et je suis sorti de l’école avec un premier prix de supérieur avec félicitations.


J'ai ensuite rencontré des musiciens, des gens comme Louis Winsberg, il a été un des premiers musiciens de jazz avec qui j'ai joué, et je le  côtoie encore aujourd'hui.

C'est avec lui que j'ai plus particulièrement commencé le jazz.
Voilà pour mes premières expériences, qui datent de 1982 ou 1983.

Il y a eu aussi, ma rencontre avec la chanteuse Elisabeth Caumont, avec qui j'ai commencé à faire des remplacements, pour ensuite prendre la place de batteur titulaire.

C'est à ce moment là que j'ai commencé à faire pas mal de concerts, mais aussi mes premiers enregistrements.
C’était les premières « vraies » tournées.

Il y avait de tout, des concerts dans de bonnes conditions mais aussi de belles galères, bien grasses et bien velues.

Je me souviens… L’été, nous partions un mois, parfois plus.
C’était génial, le matos dans le coffre de la R 12 et de la 404…  et même si les galères étaient parfois difficiles… Cela fait finalement parti du terreau.


Il y a eu également, la rencontre avec le Big Band de Laurent Cugny, ou nous avons fait ensemble une tournée Européenne, et l'enregistrement de deux albums (Rhythm a ning et Golden air)  avec le grand arrangeur Gil Evans, ce qui a été pour moi un passage assez décisif, par rapport à cette musique qu'est le jazz.

Après il y a eu l'orchestre national de jazz, de 1994 à 1997, toujours avec Laurent Cugny.

Il y a eu aussi Tania Maria avec qui j'ai joué pendant trois ans, le quartet de David Linx et Diederik Wissels, Michel Jonasz avec qui j'ai tourné pendant trois ans, et bien d'autres.

Je travaille aussi beaucoup avec André Manoukian et Maurane.

J'ai aujourd'hui participé en tant que Sideman à environ quatre-vingt albums.

2) Comment s'est passée ta rencontre avec Maurane ?

Il y a quelques années, je participais à l’enregistrement d’un album de LouisWinsberg intitulé « Douce France ».
Se sont des reprises de chansons Françaises.
Maurane avait accepté l’invitation de Louis pour interpréter  « La pavane pour une infante défunte »
de Maurice Ravel.

Par la suite, Maurane a fait appel à Louis, pour faire quelques titres sur son album en hommage à Nougaro « l’espérance en l’homme »

Après cela, elle a demandé à Louis de gérer toute la partie scène, d'être le directeur musical pour une tournée à laquelle il m’a proposé de participer.

Nous travaillons ensemble depuis Septembre 2011.
Nous avons fait à peu près soixante-dix concerts, avec actuellement une pose de quelques mois (Jury de nouvelle star oblige).
La tournée reprendra au mois de juin de cette année.

C'est pour moi une grande expérience de pouvoir jouer avec elle, car c'est une grande chanteuse, qui surf habilement sur la variété, le jazz, ainsi que de la musique latine.

C'est un régale de l'accompagner.


3) Qu'est ce que Maurane attend d'un batteur en règle générale ?

Maurane est très professionnelle, d’une justesse irréprochable, c'est une chanteuse qui groove et qui ressent très vite si ça le fait ou pas.

Par conséquent, elle attend d'un batteur qu'il puisse faire corps avec la dynamique du texte et que tout soit cohérent.


4) Quel type de travail as-tu fait en amont, avant de jouer avec Maurane ?
Comment se sont passées les répétitions, et combien de temps vous a t'il fallu pour pouvoir partir en tournée ?

Avant de répéter ensemble, nous avons fait individuellement un travail d’écoute.

Nous avons travaillé sur une liste d’une vingtaine de titres que Maurane désirait interpréter.

Un tiers était extrait de son dernier album et le reste était un mélange de chansons plus anciennes issues de son répertoire.

Nous avons le plaisir et la liberté de faire part de nos idées, il faut aussi s’attendre à ce qu’elles ne soient pas forcément retenues à l’arrivée car au final c’est Maurane qui prend les décisions.
Et c’est tout à fait normal.
Mais je trouve cette façon de travailler très agréable, car chacun peut apporter sa pierre à l'édifice.


Après trois semaines de répétitions intensives, nous avons fait les premiers concerts de la sortie de son album « Fais moi une fleur » à Bruxelles et Paris.

5) Comment ce déroule le travaille avec Louis Winsberg ?


Je travaille avec Louis depuis longtemps et je sais qu'il aime bien donner des directives, mais il est très souple et apprécie qu'il y ait un travail collectif lors duquel nous pouvons faire part de nos idées.

C'est très agréable de procéder de cette manière car les résultats sont efficaces et obtenus sans tensions particulières, ce qui peut être le cas avec certains artistes qui pensent, injustement que la création doit passer
par la souffrance.

Une confiance certaine s’installe entre nous et ne peut qu’être bénéfique pour la musique.

6) Tu es, justement,  à la tête de quatre albums qui sont déjà sortis, le cinqième sortira en mars "PANAMERICAN", pourrais-tu nous en parler ?

C'est un album que j'ai enfin pu enregistrer à NewYork, avec des musiciens New-Yorkais de mon choix.

J'avais envie de le faire depuis longtemps, mais à chaque fois je repoussais toujours au prochain album, parce qu'il est vrai que je me sens très bien en France car j'ai toujours enregistré mes projets avec d'excellents musiciens.

C'est aussi à l'initiative de mon agent Reno Di Matteo avec qui je travaille depuis quelques années, qui m’a suggéré de tenter cette expérience qui selon lui ne pouvait qu’être positive.
En effet, puisque j’arrivais à mon cinquième opus, c’était le moment de franchir le cap.

L'idée a fait son chemin, j'ai pris la décision de composer un répertoire et d'aller dans un studio en plein coeur de Brooklyn en compagnie de quatre musiciens de haut vol.

Pour commencer il y avait Jim Beard au piano acoustique, Fender Rhodes entre autres claviers.

C’est un pianiste dont je suis le parcours depuis longtemps et qui est un compositeur exceptionnel, il a accompagné de grands musiciens de Jazz tels que Wayne Shorter ou John Scofield et joues actuellement avec le groupe Mythique Steely Dan.

Il est aussi efficace en tant que sideman que soliste, c'est le pianiste que j’entendais dans ce projet, car je me sentais très proche de son univers, notamment, par apport à ses compositions.

Il y a Chris Cheek qui est un incontournable saxophoniste de la scène New-Yorkaise actuelle.

Un jeune et très talentueux guitariste, Nir Felder, qui fait partie de la scène underground New-Yorkaise.

A la contrebasse il y a Matt Penman, qui joue aussi  beaucoup sur les scènes émergentes New-Yorkaises et européennes.

Les percussions ont été tenues sur plusieurs titres par le percussionniste Argentin Minino Garay avec qui j’ai participé à beaucoup de projets.

L'album a été réalisé par le pianiste Eric Legnini, ce qui m'a permis de me concentrer uniquement sur l’enregistrement afin de ne pas me disperser et de donner le meilleur.
Eric a fait un fantastique travail de réalisation.

Il a géré aussi toute la partie enregistrement et mixé l’album.

J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour ce musicien et je me sens aussi proche de son univers.


7) Est-ce que cet album va t'emmener sur une tournée Française, si oui, avec quels musiciens ?

L'album sortira en Avril sur le label Harmonia Mundi « jazz village ».
Le 16 Mai, il y aura une sortie Parisienne au Café de la danse, en partenariat avec la Fondation BNP Paribas, qui me soutient depuis l'année dernière, et qui m'a permis de vivre cette aventure dans d’excellentes conditions.
Je les en remercie encore au passage car ils font un fantastique travail qui peut permettre à un artiste d’évoluer,
de s’affirmer et de progresser.

      Cela est assez rare et mérite d’être souligné.

Il y a aussi une tournée en province, les dates et lieux seront annoncées prochainement sur mon site
( http://www.stephane-huchard.com )


Les musiciens New-Yorkais qui ont participé à l'enregistrement de l'album seront tous présents sur ces concerts.
Pour le moment, une autre tournée est en préparation mais rien n’est encore joué.

Avec Maurane

Propos recueillis le lundi 4 février 2013 par Franck Cascalès
Correction Nadège Cascalès.

Photos personnel de Stéphane Huchard

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8) Pourrais-tu nous en dire plus sur ton actualité, en dehors de ton album ?


Je travaille actuellement avec Stéphane Guillaume qui est un très talentueux  saxophoniste et qui plus est un ami.

Nous formons un duo depuis quelques temps et nous travaillons ensemble assez régulièrement.

Nous nous servons de samplers et de multiples effets pour colorer notre musique et concentrons principalement nos efforts sur l’improvisation.

Le principe est aussi de faire appel à de invités pour les concerts.
Je joue aussi, dans trio de Louis Winsberg « douce France », il y a Jérôme Regard à la contrebasse et nous ferons une tournée Française de sept concerts au mois d’Avril prochain.

Je repars aussi sur la route avec Maurane, à partir du mois de juin et joues régulièrement avec André Manoukian.

En dehors de cela, viennent se greffer divers projets, concerts ou séances d’enregistrement.

J’enseigne également au sein du CMDL (centre des musiques Didier Locwood)

Et donne des masters classes ou stages dans diverses écoles de musiques ou conservatoires.

Je vais d’ailleurs participer au prochain stage du festival « Jazz en Baie » qui aura lieu du 11 au 17 Août prochain en compagnie de Pierre Bertrand (saxophone et arrangement), Alfio Origlio (Piano), Jérôme Regard (basse) et Sharon Sultan (danse flamenco).


9) As- tu des partenaires qui te suivent ?
Avec quel kit  joues-tu, et adaptes-tu ton kit en fonction du travail que tu as à faire ?

Je suis sponsorisé par Yamaha depuis plus de dix ans, ce qui me donne une grande souplesse quand aux sets utilisés.
Par exemple avec Maurane, j'utilise une Yamaha Recording Custom la RC 900, en 22 / 12 / 16, avec un kit hybride où je me sers d'un Cajon comme grosse caisse, avec une caisse claire additionnelle et quelques percussions.

Dans des formations jazz acoustique, j’utilise majoritairement une maple custom avec une grosse caisse de 18 et deux toms en 12 et 14, avec une caisse claire 14x5 ½.

Avec André Manoukian, j'utilise un set hybride où je mélange la batterie et les percussions, la batterie est d'ailleurs une Maple Custom.

Je suis depuis quelque temps, très intéressé par ce genre de concept.

Mon set de cymbales est notamment composé de vieilles K Zildjian, Bosphorus, Sabian et paiste .


10) Je sais pour t'avoir vu jouer avec, que tu as un enjoliveur au milieu de ton set de cymbales, j'aimerais que tu
nous en dises plus !

Oui, c'est vrai !

C'est un enjoliveur de vieille Mercedes qui sonne fort bien (rires partagés).

J’attends d’ailleurs que cette grande marque me propose un sponsor… dans quel cas je me contenterais de jouer sur un véhicule entier (intérieur cuir et automatique si possible)


11) Mais qu'est ce qu'un enjoliveur t'amène de plus, au milieu de ton set ?

Je suis sans cesse à la recherche de nouvelles sonorités, de couleurs sonores susceptibles de m’emmener ailleurs…

Cet enjoliveur est entre autres, un objets peu conventionnels qui fait souvent parti de
mon set et contribue à la fois à varier les plaisirs et à affirmer ma personnalité.

Je me sers de cela avec des groupes ou je peux me permettre d'utiliser différentes sonorités.

Cet enjoliveur a été enregistré dans pas mal d’albums.

12) Penses-tu qu’il faille se protéger les oreilles… ?


Oui, absolument, surtout lorsqu’on travaille.

Il faut aussi se méfier des balances sur les plateaux, ou en studio.

Quelques secondes d’un puissant larsen peuvent avoir des conséquences très graves pour les tympans.

J’utilise personnellement des obturateurs fais sur mesures, qui réduisent le son de moins quinze db.

J’ai également des « Ears monitors » que j’utilise avec Maurane.

13) Pour clôturer, que pourrais-tu conseiller à celles et ceux qui ont lu ces lignes ?

De travailler l'instrument, c'est pour moi la chose la plus importante, de ne pas juste se conforter dans l'abondance d'informations que nous pouvons trouver sur le net, ça ne suffit pas.

Il faut vraiment travailler et éviter de s'éparpiller, travailler des choses basiques, tout les rudiments techniques, sont vraiment très importants.

Il faut beaucoup écouter, être curieux, aller aux concerts pour écouter et toujours avoir cette soif et cette curiosité qui est pour moi indispensable à la motivation.

Est-ce tout simplement la passion ?

Internet a apporté de nouvelles donnes, une fantastique ouverture sur le monde et c’est pour moi un moyen de découvrir sans cesse de fantastiques talents, tous domaines confondus.

Mais c’est aussi une bien moins fantastique ouverture sur la médiocrité.

Il faut alors trier, et savoir prendre le meilleur pour soi sans pour autant se disperser.

Avec la Yamaha Recording Custom RC 9000 que Stéphane utilise pour Maurane

Avec sur la droite, le fameux enjoliveur Mercedes