Merci Eric du temps que tu nous accordes, pour notre plus grand plaisir.
1) Quel est ton parcours musical ?
J’ai démarré en 1979 à l’âge de 13 ans avec des groupes de copains. J’ai joué instinctivement comme c'était assez courant à l’époque.
Mon frère, batteur amateur, m’a prêté sa batterie, une « Gary» que j’ai restauré et que je possède toujours.
On jouait du Rock, de MJC en scènes locales et autres petits festivals.
Petit à petit, je me suis laissé prendre au jeu et pris des cours.
En travaillant quelques temps dans le milieu éducatif, j’ai commencé à faire aussi de la musique avec des enfants.
En parallèle je faisais du bal, j'accompagnais diverses formations dans les cabarets jusqu’en 1987 ou je suis parti au «Musician Institut»
de Los Angelès.
Je me suis alors rodé pendant un an à des tas de nouvelles musiques, Jazz, Latin, Fusion... des styles que je ne maîtrisais pas du tout.
En rentrant en France, j’ai passé les deux années suivantes à parcourir le métier en tout sens.
Puis je suis à nouveau reparti aux USA, afin de me perfectionner à la «Grove School Of Music».
Dick Grove son directeur était pianiste et compositeur reconnu (la musique du magicien d’Oz c’est lui).
Dans cette école, j’ai étudié en plus de la batterie, pas mal de percussions, des notions de piano, harmonie et arrangements.
A l’époque, j’était déjà ambassadeur pour Tama France et j’ai mis en place avec Alain Gozzo et Steve Houghton, un partenariat entre la Groove School et notre réseau d’écoles.
Une collaboration qui a fonctionné jusqu’à la première guerre du golf qui eut malheureusement des répercussions économiques catastrophiques et contraint l’école à fermer.
Je faisais des navettes régulières entre Paris, Grenoble et Los Angelès où je jouais dans les clubs de part et d’autre.
Je suis rentré définitivement en France en 1991.
Et là, un rire partagé, Eric me dit :
C’est un parcours accéléré que je te fais, mais globalement j’ai appris mon boulot sur le terrain.
Quand aux écoles américaines, elles m’ont mise dans des situations musicales insoupçonnées, avec des moyens que l’on ne retrouve pas toujours en France.
2) Qu’est ce qui t’as amené à faire de la batterie ton métier ?
Cela s’est fait naturellement, d’abord une passion, comme beaucoup de gamins de ma génération.
Adolescents, on faisait du sport ou de la musique, il n’y avait pas d’ordinateur, pas d’internet.
Dans la musique, il y avait ce côté Rock ‘n’ Roll, plaire aux filles, les chansons de Voulzy quoi...
J’ai suivi les traces de mon frère, puis j’ai progressé en me passionnant réellement pour l’instrument.
J’ai alors bloqué le côté « paraître » en se croyant le meilleur du meilleur groupe (de son quartier -:)
Ce que je voulais, c’était apprendre à jouer le mieux possible et vivre un maximum d’expériences musicales nouvelles.
Je me suis donc mis à bosser l’instrument à cette période.
3) Tu as été précurseur quand aux méthodes en français dans notre pays, qu’en est-il aujourd’hui ?
Précurseur je ne crois pas, mais c’est vrai qu’il n’y avait pas grand chose quand j’ai commencé.
J’avais un prof sympa sur Grenoble, Patrice Léo, qui faisait du mieux qu’il pouvait, mais c’était quand même limité coté supports.
Nous n’avions que les incontournables méthodes Agostini et Boursault - Lajudie, très respectables, mais aucune retranscription moderne ou presque.
Les premières glanées je ne sais où de Steve Gadd étaient en japonais. Les premières VHS de Steve Gadd et de Carmine Appice valaient tout de même à l’époque 650 francs, en Pal / Secam - noir et blanc (l’équivalent aujourd’hui de 97,00 euro).
Nous les achetions à plusieurs, c'était assez archaïque.
(Pour info, un DVD coute aujourd’hui environ 30€).
Quand je suis parti aux USA, j’ai mis le nez dans une multitude
d’ouvrages aussi fabuleux les uns que les autres. C’était l’expansion de la batterie avec en fer de lance, des artistes comme Weckl, Gadd et Porcaro.
J’ai lié d'amitié avec quelques professeurs du P.I.T, comme Steve Houghton, Joe Porcaro, Ralph Humphrey, Chuck Silverman, Efrain Toro...
Plus tard, j’en ai fait tourner certains en France, en partenariat avec d’autres écoles comme celle de Daniel Pichon qui avait un pied à terre sur Paris.
J’ai diffusé leurs ouvrages dans l’hexagone, traduit certains textes, trouver des distributeurs comme Oscar Musique...
C’était aussi les débuts de «Batteur Magazine» drivé par le génial René Guerin (Martin Circus) qui m’a pas mal aidé à me constituer un solide carnet d’adresses.
J’ai sans doute été à ce titre fédérateur avec Alain Gozzo dans la popularité pédagogique de notre instrument.
Il y a tellement d’infos aujourd’hui en surfant sur Internet qu’on arrive à oublier qu’il y’eut un temps ou le savoir était beaucoup difficile à se procurer.
En lisant une récente interview de Vinnie Colaiuta, je m’aperçois que comme lui, je n'adhère que modérément aux nouveaux codes musicaux qui nous entourent.
Pour les gens de ma génération, il existe parfois un décalage entre une époque ou il fallait aller à la pêche aux infos et ramer pour assouvir ses rêves, alors qu’aujourd'hui avec un coup de clic, le monde est à ta portée.
Il existe toujours de jeunes musiciens motivés et talentueux, mais pour beaucoup, trop d’informations tuent l’information.
Cette facilité donne l'impression que l’on peut tout réaliser de chez soi, mais écouter de la musique live, rencontrer, discuter et échanger se perd pour une majorité d’entre eux.
Plus jeune, on faisait le pied de grue derrière les batteurs de bal ou de clubs, pour essayer de jamer ou simplement apprécier comment ils jouaient, comprendre la façon dont ils géraient leur truc.
C’est ainsi qu’on apprenait et c’était fabuleux.
Je me souviens avoir passé une soirée derrière Kirt Rust super batteur américain installé en France depuis des décennies, et qui accompagnait Catherine Lara dont nous faisions la première partie.
Je me suis installé derrière lui, pour assister au concert en essayant de comprendre ce qu’il jouait, j’étais aux anges et pour moi c’était un héro.
C’est le type de souvenir qui m’a marqué.
Aujourd’hui, j’ai encore la chance de côtoyer quelques batteurs illustres de la planète, de Steve Gadd à Luis Conte, en passant par Ian Paice ou Simon Philips. Ces rencontres me procurent toujours autant de plaisir.
La passion reste intacte et je ne suis pas du tout blasé.
4) Penses-tu qu’il est encore possible d’apporter des choses nouvelles à l'instrument ?
Sans doute, puisqu’il y a des tas de batteurs qui le font.
J’adore la nouvelle génération (comme Thomas Lang, Benny Greb, Jojo Mayer, Stanton Moore, Keith Carlock...) qui amène un sang neuf à l'instrument.
Ils ont vraiment mis la barre très haute et je trouve ça fabuleux.
Quand quelqu’un défriche une voie, tu te dis que c’est le meilleur, mais quand il y en a plusieurs, ça t’oblige à essayer aussi. C’est véritablement stimulant.
Maintenant, le coté gospel drummers n’est pas du tout mon truc.
Cette surenchère en jouant plus et plus vite, ce n’est pas mon approche de la musique.
J’ai toujours plus de frisons en écoutant un solo de Miles Davis, David Gilmore ou Clapton, une ligne de basse de Mc Cartney ou de Sting, un rythme de Jim Keltner ou de Charlie Watts, qui me donnent plus d’émotion que tous les plans, mis bout à bout des Gospel drummers.
Ca ne me touche pas même si je reste admiratif de leurs techniques, mais c’est la musique qui m’interpelle, pas la performance sportive.
5) Depuis 1990 tu as fait quatre albums, dont le dernier « Travel To The Roots » vient de sortir.
Peux-tu nous en dire un peu plus, et comment Simon Philips s’est retrouvé dans ton projet ? Quel rôle a-t-il joué ?
Comme son nom l’indique « Travel To The Roots » est un retour aux sources, un album composé majoritairement de reprises ré arrangées pour l’occasion avec mes camarades et pas des moindres, puisqu’il y a Nono « Trust », Greg Zlap
« Hallyday », Jack Bon « Ganafoul », Benoit Sourisse « Didier Loockwood »... des noms familiers dans le milieu des musiciens.
Ce ne sont que quelques noms cités parmi ceux qui apparaissent sur ce disque, des amis talentueux avec lesquels j’ai souvent collaboré et qui ont spontanément répondus présents.
(Retrouvez le making of de l'enregistrement sur www.thievon.fr)
J’avais envie de faire un clin d’oeil à une époque et rendre hommage à des chansons, des musiciens ou des groupes qui m’ont accompagné tout au long de ma vie.
J’ai fais une sélection de titres qui se prêtaient à de nouvelles visites, des morceaux que j’avais déjà interprété sur scène, faciles à enregistrer en live.
Pour d’autres, les arrangements se sont fait directement en studio.
C’est un projet qui a mis un peu plus de deux ans à voir le jour.
Quand à Simon Philips, c’est une connaissance de longue date, plusieurs fois rencontré via Tama et avec laquelle j’ai passé de très bons moments.
ll a été une de mes premières idoles lorsque j’étais gamin.
En plus de son talent, Simon est très intelligent, aimable et encourageant sur les projets dont je lui ai fais part.
Je voulais que le mastering* soit à la hauteur.
Je lui ai donc demandé s’il serait partant pour un coup de pouce et sa réponse fut surprenante : « je vais te faire un titre, et tu verras si ça te plait ».
C’est vraiment incroyable parce que même si je savais que ce serait top, il m’a malgré tout envoyé un essai pour approbation.
Le plus difficile fut de coordonner son planning toujours très chargé. Au moment, ou il a été disponible, il m’a fallu mettre les bouchées doubles pour lui envoyer les fichiers en temps voulu.
Le mastéring c’est donc fait au studio le Phantom Recordings à Los Angelès.
Simon a passé un certain temps sur chaque titre et réalisé un superbe travail.
Mon studio n’est pas à la hauteur du sien et j’imagine que certaines fréquences lui ont sans doute posées problème.
6) Justement, ou est-ce que l’enregistrement a eu lieu ?
Il s’est fait principalement dans mon studio ABCDrums près de Grenoble, mais pour des raisons logistiques, nous avons aussi fait quelques prises extérieures en studio mobile sur Paris ou dans les homes studio des copains.
Nono a fait ses guitares dans son propre studio très bien équipé.
7) Comment gères-tu la sortie de ton album, sachant que tu as aussi une école à faire tourner ?
En fait, je suis souvent investi dans différents projets.
Avec un emploi du temps conséquent, je m’organise du mieux possible pour être fidèle à mes engagements.
Le Studio ABCDrums, c’est à la fois des cours de musique, un studio d’enregistrement et des locaux de répétition.
On y réalise diverses productions avec la facilité d’avoir tous les outils de travail réunis au même endroit.
Pour 2011 et 2012 par exemple, j’ai enregistré plusieurs méthodes, des séances pour quelques artistes locaux, des jingles pour le Canada et d’autres pour l’Euro Foot via un label Anglais.
Je me considère comme un artisan musicien, ce terme me correspond bien.
J’ai cependant des gens efficaces qui m’épaulent comme mon ami Régis Daubin, qui gère tout l'administratif au sein de l’association Oxybia.
Magali la webmaster d’All Skies Studio s’occupe de l’intégralité de mon site, Olivier Galéa est un photographe attitré, mes éditeurs sont fidèles
et mes sponsors aussi.
Ces personnes me sont évidement indispensables.
Quand je tourne pour les démos Tama, par exemple, je ne m’occupe pas du matériel mis à ma disposition.
C’est Mogar Music France qui gère cet aspect.
Quand au Studio ABCDrums, nous sommes quatre à enseigner depuis longtemps.
Je concentre mes cours de batterie uniquement sur le mercredi plus quelques ensembles mensuels.
8) Quelle formation va t’accompagner pour les concerts à venir ?
Pour la promotion du disque, j’ai monté un quartet composé d'excellents musiciens Grenoblois, Stick Story avec André Billot et Christophe Mannarelli, guitares et chant, Jean Marie Louche à la basse et moi.
Des dates à partir d’octobre dont une à Blois avec Nono.