Rencontre avec FARID MEDJANE

Retrouvez aujourd’hui Farid Medjane, célèbre batteur du mythique groupe Trust depuis 1983.

Nous avons fait ensemble pour la deuxième fois une journée de partage musicale en prison, ou nous avons pu apporter et recevoir beaucoup d'émotions.


A cette occasion, il a accepté de nous raconter son parcours, du début jusqu’à aujourd’hui, mais également pourquoi il prend plaisir à jouer en prison.

Farid, un grand merci pour le temps passé à répondre à toutes ces questions, ainsi que le temps que tu as consacré à cette journée.

1)   Peux tu nous raconter ton parcours musical ?


J'ai commencé à l'âge de 15 ans, dans un groupe qui s'appelait TNT, avec lequel j'ai fais un film qui s'appelait "les 5 dernières minutes" où j'avais un rôle de comédien et de musicien, parce que le metteur en scène n'arrivait pas à trouver des comédiens musiciens professionnels, donc, c'est tombé sur nous, nous avons passé une audition, et nous avons été retenus.


Après avec TNT, il y a eu des concerts, plein de concerts, des maquettes, dont un 45 tours de l'époque, qui n'a pas donné grand chose.

J'ai quitté TNT pour intégrer un autre groupe "Océan" un groupe de rock, dans lequel j'ai fais un disque, mais je n'ai pas eu le temps de faire de dates.


Après il y a eu Trust.
Bernie et Nono m'ont écouté jouer à l'époque dans une salle "le rose bonbon" je crois, à Paris sans que je le sache.
Ils sont ensuite venus me rencontrer dans les loges, car mon jeu les avait interpelé.

Ils m'ont proposé de passer une audition, pour succéder à Nico McBrain, qui partait avec Iron Maïden.
500 batteurs ont passé l'audition, et c'est moi qui ai eu le job !.

Et avec Trust, c'est maintenant une histoire qui dure depuis 1983.


Tournées, albums, tournées, albums, des grosses salles, des salles moyennes, que de très bons et grands souvenirs.


Quelques années ont passé, et Trust s'est arrêté pour reprendre en 2006, où nous avions enregistré un album, fait une grosse tournée, et pour caler tout ça, un DVD enregistré à l'Olympia qui est sorti après.

Nous avions même joué pour "les 30 ans de l'Olympia".



2)   Pratiques-tu des exercices d’échauffement avant chaque concert ou master class, si oui, quels sont-ils ?


Tout simplement des croches main droite seulement, j'accélère progressivement, et je fais  pareil pour la main gauche, seule aussi.


Après je travaille les deux à la noire, ou à la croche, c'est tout simple, des roulements.


Je travaille avec des baguettes toujours plus lourdes quand je m'échauffe, bien plus lourdes que celles que j'utilise sur scène.

Quelques assouplissements et étirements pour les poignets, je fais ce qu'il faut sans trop me fatiguer les articulations, je m'économise, car mon jeu est très physique.



3)   As-tu encore le temps de travailler la batterie ?


Plus vraiment, je sais, ce n'est pas bien, mais je joue tellement, j'ai plusieurs activités musicales, c'est tellement intense, mais j'ai trouvé mon équilibre entre les répétitions et les concerts.....   

C'est bien de travailler, mais dans ma tête ça n'a jamais été ce que je recherchais le plus, ça n'a jamais été dans ma culture d'être un "grand technicien" comme certains qui s'enferment pendant 8 heures, je ne l'ai jamais fait avant, je ne le ferai donc pas maintenant.


4)   Ton jeu est très physique, as-tu une activité sportive régulière pour assurer de la sorte ?


Tous les matins, je fais du sport en salle  (cardiotrainning, muscu, etc...) mais pas de gros poids.

Assez tonic pour m'entretenir, j'ai aussi la chance de ne pas fumer, je n'ai jamais fumé de ma vie, croyez-moi ça aide bien.......


Je trouve que le capital santé c'est très important, tu sais, quand je fais un concert, il dure 2h 30, environ, il me faut donc être en forme.

De plus, la pression, l'adrénaline et  la concentration sont très éprouvantes , alors le sport ça m'aide énormément.



5)   Peux-tu nous parler du concept électronique avec lequel tu tournes ?


Depuis environ 2004 je joue avec différents DJ, c'est très intéressant parce que ça me permet de  jouer de façon différente, d'utiliser toutes sortes de rythmiques.


Je joue sur de la techno, mais aussi du tribal.

J'ai un set électronique (un DDRUM) , j'ai un set complet, mais dans ce cas de figure, j'utilise seulement 3 pads.


J'ai un module de son que je prépare avant de partir.
Pour connecter tout ça, j'ai une mixette qui est raccordée à la table du DJ, rien n'est répété, tout se fait au feeling.


Je fais dans une soirée 2 ou 3 passages, ça se passe essentiellement dans de grosses discothèques, c'est très enrichissant, de plus, ça me fait travailler, (rire........) dans les deux sens du terme.

6)   Tu as récemment quitté les marques qui t’accompagnaient depuis très longtemps, peux-tu nous dire pourquoi, et nous parler de ton nouveau set ? :  Fûts, cymbales, baguettes . 


Tu sais, quand il y a une lassitude qui s'installe..........(silence bien marqué) Il y a des gens qui préfèrent rester tels que, ils ne veulent pas bouger une oreille.
Pour ma part, je suis quelqu'un qui aime aller de l'avant.

Effectivement, avant j'étais chez Pearl et Sabian, c'était génial, le top.


Et puis, j'ai été approché par DW, et Meinl, je trouve ça intéressant,  je compare ça à un pilote de course, c'est comme si j'avais couru sur Mac Larren, Porche, Mercedes, et là, il y a l'usine Ferrari qui arrive, et qui me propose de rentrer dans leurs écuries.


J'ai senti que c'était le moment, après 26 ans de bons et loyaux services chez Pearl et Sabian, je me suis dit que c'était un honneur pour moi, et que ça ne se représenterait peut-être plus.


J'avais justement le désir d'un changement, et voilà, c'est arrivé au bon moment.

La seule chose qui me chagrine un peu dans ce genre de changement, c'est le côté humain, car c'est comme une famille.

Mais c'est la vie, c'est comme ça, je ne suis pas le premier et sûrement pas le dernier à qui cela est arrivé..


Et puis après, il faut avancer et prendre des risques, je suis content, car je joue sur du bon matériel, et bosse avec des gens sympas, je suis ravi.



7)   Peux-tu nous parler du groupe Anglais « Chris Georges » dans lequel tu joues ?

AAAAAh  Chris Georges.... ça c'est mon groupe. http://chrisgeorgeband.co.uk/#


Depuis environ 2004, je travaille beaucoup à l'étranger, et Chris Georges est un super guitariste, démonstrateur officiel chez Marshall* dans le monde entier.

(*marque d'ampli de guitare et de basse)


Le groupe m'a vu jouer une fois, ils ont apprécié mon jeu, et de là, est née notre collaboration.

Nous travaillons ensemble, et il y a entre nous une amitié sincère, c'est devenu avec le temps comme ma famille.


Et puis en Angleterre, je m'éclate, c'est plug and play, il n'y a pas d'histoire et j'ai la chance de rencontrer plein de musiciens comme les gens de White snake.


Lors d'un salon, j'ai eu l'occasion de jouer avec John Paul Jones, c'est pas rien.

Doug Aldrich, Paul Guilbert, Bernie Marsden, c'est beau quand même.......et dernièrement le clavier d' U F O.     http://www.ufo-music.info/



8)   Ou en est Trust actuellement, est-ce qu’un nouvel album, une tournée sont-ils prévus ?


Depuis Aout 2010, nous avons fait une pause juste après le dernier concert.

Nono a fait un album, Il tourne pas mal aussi.


De mon côté, j'ai monté un super groupe avec Vivi, "Ivo Rusco" un des guitaristes de Trust qui s'appelle Handful Of Dust, je le mentionne, car c'est un groupe qui me tient à coeur.

Nous avons fini le mixage début novembre 2011.

Il y a Izo à la basse, lui aussi de "Trust" Vivi à la guitare, avec un chanteur.


Là nous avons fini et sommes prêts à partir en tournée, les dates sont déjà calées, les répétitions vont être programmées, et nous nous retrouverons tous après ça sur les routes.


Bernie travaille actuellement dans le cinéma, donc pour le moment tout est en "stand by".


Normalement en 2012 un nouvel album de Trust est prévu, à ce jour,  je ne sais pas encore si j'y participerai. Ce sont des choses que tu apprends un peu au dernier moment.

Donc, la suite, en 2012.........

Actuellement, je me concentre sur mes projets, ça fait déjà du boulot.



09) Lorsque Trust se réunit avant une tournée, combien  avez-vous de jours de répétition, et dans quelles conditions matérielles ?


Alors, avec Trust c'est spécial, c'est toujours à l'arrache.

Bernie et Nono, sont ceux qui chapeautent tout ça.
On se connait depuis très très longtemps, (35 ans)
Ils savent que nous travaillons vite, au plus, c'est 10 jours de répétition maxi.


Il nous est même arrivé de faire des longs breaks, de répéter 1 ou 2 jours, et de reprendre la route.

Si peu de temps, car nous avons acquis des automatismes au fil du temps, comme je te l'ai dit, nous nous connaissons tous très bien.

10) Que penses-tu des performances batteristiques quasi olympiques que nous pouvons voir sur le net ?


Oulala, ça n'en fini plus, Il y en a, ce sont des extraterrestres.


Il y a des p'tits jeunes mais aussi  des moins jeunes qui jouent, c'est un truc de fou, mais moi, ça ne me branche pas trop, ce n'est pas ça , ma vision de la musique.


Je suis un batteur qui joue avec de la musique, je me mets à son service, afin d'être le plus efficace possible.

La plupart du temps, ces gens là ,jouent seuls chez eux, rien que  pour eux- mêmes.


Quand tu fais de la musique, ça doit être un partage.


Ce qui est beau, c'est d'être avec des gens, créer ensemble.

Mon parcours a été comme cela, c'est pour moi ce qui reste le plus juste.

Quand tu regardes leurs performances, tu te dis que ce n'est que démonstratif, ça ne me marque pas du tout.


Il y a des batteurs plus simples qui me marquent bien plus, qui ont quelque chose.........



11) A cause du fort niveau sonor dans lequel tu évolues, te protèges-tu les oreilles ?


Maintenant pour moi c'est impératif.

Je fais régulièrement des examens auditifs, j'ai perdu un peu de mon audition, surtout dans les mediums.


Là ou je m'en aperçois le plus, c'est quand je regarde la télé, les voix de femmes qui sont dans ces fréquences là, sont difficiles à bien capter, je suis obligé de monter le son, c'est assez brouillon.


Quand je suis dans un endroit où il y a beaucoup de monde , et qu'on me parle, je fais souvent répéter.

Par contre dans les basses, j'entends très bien.

Même au loin, ne serait-ce qu'une petite sonnerie aigue ( style le téléphone), je l'entends sans problème.


Pour me protéger, je porte maintenant sur scène, des Ear Monitor, ainsi que des bouchons moulés dans mes oreilles, pour les répétitions.

Les jeunes d'aujourd'hui ont beaucoup de chance, car il y a une prévention plutôt réussie, qui est faite à ce sujet.


Avec toutes les scènes que j'ai faites, je m'en sors plutôt bien, car jouer si fort pendant des années sans protection auditive n'était pas prudent du tout.


Comme je le disais, je m'en sors plutôt bien. Maintenant je sais qu'il faut  impérativement se protéger les oreilles.

Si je devais avoir des acouphènes, je deviendrais fou.


Il y a des gens qui ont perdu beaucoup de leur audition, à cause du bruit intense,

je pense donc que je m'en sorts bien, alors maintenant je me protège.



12) Y a-t-il des batteurs qui ont influencé ta façon de jouer ?


Bien sûr, Ian Paice, John Bonham, Cosi Powel, j'adore Deen Castronovo qui joue avec "Journey"

Journey est un groupe de Hard Rock fondé en 1973 à San Francisco.

Mais quand j'étais plus jeune, ceux qui m'ont marqués le plus sont : Ian Paice et John Bonham.

13) Aujourd’hui, nous sommes ensemble, pour jouer dans une Maison d’Arrêt, pas commun comme lieu, quel est l'intérêt pour toi de faire cela ?


C'est simple, mon désir est d'apporter du bonheur, la musique c'est quelque chose de fantastique, et puis c'est une expérience  atypique, tout comme le lieu d'ailleurs.


Ces gens sont enfermés , c'est donc à nous d'aller vers eux, sans aucun jugement.

lls ont été jugés une fois, nous n'allons pas le faire une deuxième fois.


Ce sont des être humains, mais il est vrai que quand tu rentres dans une prison, il y a une pression, les murs sont chargés, ça ce sent.


Quand tu es là,  avec ces gens, ce n'est pas anodin.

Personnellement ça m'apporte beaucoup comme  tu le sais,  d'ailleurs, nous l'avions déjà fait ensemble l'an dernier.

Rappelle-toi comme j'étais sorti fatigué et vidé,  physiquement comme moralement, parce que ça "pompe" énormément.


Jouer ici, c'est quelque chose que je défends, et si on me le demandait, je serais prêt à faire une tournée dans toutes les prisons.


D'ailleurs, j'ai joué plusieurs fois dans différentes prisons, et c'est toujours aussi fort.



14) Pour finir, quels conseils peux-tu donner aux plus jeunes et aux autres ?


Travailler son instrument, être attentif aux autres, savoir écouter, c'est important.


Jouer en groupe aussi, jouer seul c'est bien, mais jouer  en groupe c'est mieux.


Partager avec les autres, aller faire des jams aussi, écouter des disques, être ouvert à toutes les musiques, ne pas se cantonner à un seul style de musique, avancer toujours avancer, c'est aussi ça la musique.


Parfois il m'arrive de me dire que c'est difficile d'avancer, parce que je vais chercher de nouvelles choses , mais c'est ça le top dans ce travail !


Bonne route à tous, Rock N' Roll.


Farid.

      Note Bleue Musique
     La batterie au Feeling
 

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Propos recueillis par Franck Cascalès le lundi 5 novembre 2011